🕯️ en solitaire Ă  Shikoku avec YUMEVOJA – Épisode 0 : PrĂ©parer le dĂ©part

Dans le pÚlerinage de Shikoku, le parcours est souvent divisé en plus petites étapes, appelées « Kugiri » en japonais. Chaque étape marque une pause naturelle sur la route, ce qui permet aux pÚlerins de suivre ce long chemin pas à pas. Celle-ci fut la toute premiÚre étape de mon pÚlerinage en solitaire, commencée le 16 juin 2024.

Comment tout a commencé par un livre

Lorsque j’ai dĂ©cidĂ© pour la premiĂšre fois de relever le dĂ©fi de visiter les 88 temples du pĂšlerinage de Shikoku, j’étais une complĂšte dĂ©butante, sans aucune connaissance. Mon seul guide Ă©tait un livre que j’avais achetĂ© en ligne. À l’intĂ©rieur de ses pages se trouvaient des explications sur l’itinĂ©raire, les coutumes et les rituels, et je me raccrochais Ă  l’idĂ©e que « tant que je lis ce livre, tout ira bien ». Avec le recul, ces informations Ă©taient dĂ©jĂ  dĂ©passĂ©es, et j’ai rencontrĂ© de nombreuses difficultĂ©s une fois le voyage rĂ©ellement commencĂ©. Pourtant, ce livre a Ă©tĂ© celui qui m’a donnĂ© le courage de faire mon tout premier pas.

LĂ  oĂč l’idĂ©al a rencontrĂ© la rĂ©alitĂ©

Dans mon plan initial, j’imaginais commencer depuis la gare JR d’Awa-Ìtani et marcher le long du chemin pittoresque en direction du premier temple. Cependant, Ă  mon arrivĂ©e, j’ai dĂ©couvert que cette petite gare non surveillĂ©e n’avait aucun endroit pour garer ma voiture. Finalement, je n’ai eu d’autre choix que de me rendre directement en voiture au premier temple. Ce n’était pas le dĂ©but Ă©lĂ©gant que j’avais imaginĂ© — un rappel prĂ©coce que la rĂ©alitĂ© ne suit pas toujours nos idĂ©aux.

L’équipement essentiel d’une boutique de pĂšlerinage Henro

À cĂŽtĂ© de l’enceinte du temple se trouvait une petite boutique de pĂšlerinage Henro, oĂč j’ai rassemblĂ© l’équipement minimum nĂ©cessaire pour le pĂšlerinage : une veste blanche (byakui), un chapeau de paille (sugegasa), un chapelet bouddhique (juzu), un carnet de pĂšlerinage (nƍkyƍ-chƍ) dans lequel le personnel du temple inscrit Ă  la main le nom et les dĂ©tails du temple en calligraphie puis y appose un sceau, des feuillets de priĂšre (osame-fuda), des bĂątons d’encens, des bougies, un briquet et un guide simple. Le personnel de la boutique m’a gentiment rassurĂ©e : « Cela suffira », et m’a mĂȘme montrĂ© les rĂšgles de base pour la priĂšre. Quand j’ai demandĂ© si je pouvais laisser ma voiture garĂ©e lĂ  pendant un moment, ils ont acquiescĂ© chaleureusement — un petit geste qui m’a donnĂ© un grand rĂ©confort au tout dĂ©but de mon voyage.

Choisir de marcher le pĂšlerinage chaque fois que je le peux

Je suis entrĂ©e Ă  Shikoku en voiture depuis la rĂ©gion du Kansai, mais Ă  partir de lĂ  j’ai combinĂ© trains, bus et mĂȘme ferries, en visant Ă  parcourir Ă  pied le plus possible de l’itinĂ©raire. De nos jours, de nombreux pĂšlerins choisissent ce qu’on appelle souvent le « pĂšlerinage sans marche », en comptant principalement sur les voitures ou les bus pour couvrir la distance. Pour moi, cependant, le vrai sentiment d’ĂȘtre en voyage ne venait que lorsque je marchais de mes propres pas, pas Ă  pas le long du chemin.

Le choix du « Kugiri-uchi » (pÚlerinage par étapes)

Bien sĂ»r, un pĂšlerinage entiĂšrement Ă  pied n’était pas rĂ©aliste pour moi Ă  ce stade de ma vie — cela demandait simplement plus de temps que je ne pouvais en consacrer. À la place, j’ai choisi le « Kugiri-uchi », la maniĂšre d’accomplir le pĂšlerinage en plusieurs Ă©tapes. Comme je devais intĂ©grer mes voyages entre le travail et la vie quotidienne, j’étais toujours sous la pression de devoir rentrer Ă  l’heure prĂ©vue. Parfois, je m’inquiĂ©tais : « Vais-je vraiment rĂ©ussir Ă  rentrer Ă  temps ? » Pourtant, en ajoutant pas Ă  pas une Ă©tape aprĂšs l’autre, j’ai dĂ©couvert que je pouvais continuer le pĂšlerinage Ă  mon propre rythme.

Les appréhensions et les incertitudes du premier jour

Au moment oĂč j’ai enfilĂ© la veste blanche (byakui), posĂ© le chapeau de paille (sugegasa) sur ma tĂȘte et tenu le chapelet bouddhique (juzu) dans ma main, j’ai eu l’impression d’ĂȘtre dĂ©jĂ  devenue une voyageuse — avant mĂȘme de faire un seul pas. Pourtant, au fond de moi, j’étais remplie d’incertitudes. Allais-je vraiment pouvoir poursuivre ce pĂšlerinage ? En Ă©tais-je capable ? Le cƓur partagĂ© entre nervositĂ© et attente, je n’avais mĂȘme pas la place de penser Ă  prendre des photos.

Le moment oĂč j’ai dĂ©cidĂ© de crĂ©er un blog

Ce jour-lĂ  n’était pour moi qu’une simple excursion d’une journĂ©e. En rentrant chez moi, une pensĂ©e m’est soudain venue : « Je devrais consigner cette expĂ©rience dans un blog. » C’est alors que j’ai rĂ©alisĂ© que je n’avais pris aucune photo. Étrangement, je n’ai ressenti aucun regret. Au contraire, j’ai eu l’impression d’avoir gravĂ© en moi quelque chose d’encore plus important que les souvenirs matĂ©riels : l’expĂ©rience elle-mĂȘme, profondĂ©ment inscrite dans mon cƓur.

Mon équipement de pÚlerinage, un an plus tard

Ce que vous voyez ici est l’équipement qui m’a accompagnĂ©e pendant une annĂ©e de pĂšlerinage. La veste blanche (byakui) Ă©tait trop chaude pour l’étĂ©, alors Ă  un moment j’en ai moi-mĂȘme retirĂ© les manches. À chaque Ă©tape du voyage, j’ai ajoutĂ© peu Ă  peu de nouveaux objets, que je considĂ©rais comme de petites rĂ©compenses personnelles. Aujourd’hui, chaque piĂšce porte en elle le souvenir du moment oĂč je l’ai reçue.

L’équipement qui a marchĂ© avec moi pendant un an. MĂȘme la veste modifiĂ©e, dont les manches ont Ă©tĂ© retirĂ©es, raconte dĂ©sormais une partie de l’histoire de ce voyage.

Une pochette unique faite Ă  partir des manches

Les manches que j’avais retirĂ©es n’ont pas Ă©tĂ© jetĂ©es mais cousues ensemble et transformĂ©es en une pochette. Conçue pour ĂȘtre portĂ©e Ă  la taille, elle comporte des compartiments pour un chapelet bouddhique (juzu), des bougies, un briquet, des bĂątons d’encens, des feuillets de priĂšre (osame-fuda) et une petite bourse pour les offrandes — disposĂ©s dans l’ordre oĂč ils sont nĂ©cessaires pendant la priĂšre. Elle peut mĂȘme contenir le carnet de pĂšlerinage (nƍkyƍ-chƍ). Cet objet artisanal, vĂ©ritable « trĂ©sor unique » introuvable dans le commerce, garde tous les essentiels Ă  portĂ©e de main. MĂȘme aujourd’hui, il reste un compagnon fidĂšle qui me soutient dans mon voyage.

Une pochette de ceinture fabriquĂ©e Ă  partir des manches de mon byakui. Chaque objet du pĂšlerin y trouve sa place dans l’ordre, en faisant une piĂšce vĂ©ritablement unique.

Le début du voyage

Ainsi, mon pĂšlerinage en solitaire Ă  Shikoku a commencĂ© par ce tout premier pas. Dans le prochain Ă©pisode, je partagerai le moment oĂč j’ai enfin posĂ© le pied dans l’enceinte du temple n°1.

Voici le petit plus d’aujourd’hui !

L’homme qui offrit des chapeaux de paille aux Jizƍ — Kasa Jizƍ (çŹ ćœ°è””)

Il Ă©tait une fois, dans un village enneigĂ©, un vieil homme et sa femme qui vivaient pauvrement mais avec un cƓur plein de bontĂ©.
À l’approche du Nouvel An, ils n’avaient rien pour cĂ©lĂ©brer. Alors le vieil homme partit en ville pour vendre les chapeaux de paille (*sugegasa*) qu’il avait fabriquĂ©s de ses mains.

Mais ce jour-lĂ , aucun chapeau ne fut vendu.
Sur le chemin du retour, il rencontra six statues de Jizƍ figĂ©es dans la neige. Les voyant transis de froid, il posa un chapeau de paille sur la tĂȘte de chacune. Pour la derniĂšre, Ă  court de chapeaux, il retira sa propre coiffe et la lui offrit.

La nuit du rĂ©veillon, alors qu’ils Ă©taient endormis sans rien Ă  manger, ils entendirent soudain de lourds pas s’approcher.
Les statues de Jizƍ apparurent, portant sur leur dos des ballots de riz, des lĂ©gumes et d’autres offrandes. Le couple comprit que leur gĂ©nĂ©rositĂ© avait Ă©tĂ© rĂ©compensĂ©e.

Ainsi, ce conte rappelle que mĂȘme les gestes les plus modestes de bienveillance ne sont jamais perdus.
Comme le chapeau de paille (*sugegasa*) porté par les pÚlerins du Shikoku, symbole de priÚre et de protection, la compassion devient un pont entre les hommes et le divin.