Étape 1-1 | 16 juin 2024 (Départ)
Dans le pèlerinage de Shikoku, le parcours est souvent divisé en plus petites étapes, appelées « Kugiri » en japonais. Chaque étape marque une pause naturelle sur la route, ce qui permet aux pèlerins de suivre ce long chemin pas à pas. Celle-ci fut la toute première étape de mon pèlerinage en solitaire, commencée le 16 juin 2024.
Comment tout a commencé par un livre
Lorsque j’ai décidé pour la première fois de relever le défi de visiter les 88 temples du pèlerinage de Shikoku, j’étais une complète débutante, sans aucune connaissance. Mon seul guide était un livre que j’avais acheté en ligne. À l’intérieur de ses pages se trouvaient des explications sur l’itinéraire, les coutumes et les rituels, et je me raccrochais à l’idée que « tant que je lis ce livre, tout ira bien ». Avec le recul, ces informations étaient déjà dépassées, et j’ai rencontré de nombreuses difficultés une fois le voyage réellement commencé. Pourtant, ce livre a été celui qui m’a donné le courage de faire mon tout premier pas.
Là où l’idéal a rencontré la réalité
Dans mon plan initial, j’imaginais commencer depuis la gare JR d’Awa-Ōtani et marcher le long du chemin pittoresque en direction du premier temple. Cependant, à mon arrivée, j’ai découvert que cette petite gare non surveillée n’avait aucun endroit pour garer ma voiture. Finalement, je n’ai eu d’autre choix que de me rendre directement en voiture au premier temple. Ce n’était pas le début élégant que j’avais imaginé — un rappel précoce que la réalité ne suit pas toujours nos idéaux.
L’équipement essentiel d’une boutique de pèlerinage Henro
À côté de l’enceinte du temple se trouvait une petite boutique de pèlerinage Henro, où j’ai rassemblé l’équipement minimum nécessaire pour le pèlerinage : une veste blanche (byakui), un chapeau de paille (sugegasa), un chapelet bouddhique (juzu), un carnet de pèlerinage (nōkyō-chō) dans lequel le personnel du temple inscrit à la main le nom et les détails du temple en calligraphie puis y appose un sceau, des feuillets de prière (osame-fuda), des bâtons d’encens, des bougies, un briquet et un guide simple. Le personnel de la boutique m’a gentiment rassurée : « Cela suffira », et m’a même montré les règles de base pour la prière. Quand j’ai demandé si je pouvais laisser ma voiture garée là pendant un moment, ils ont acquiescé chaleureusement — un petit geste qui m’a donné un grand réconfort au tout début de mon voyage.
Choisir de marcher le pèlerinage chaque fois que je le peux
Je suis entrée à Shikoku en voiture depuis la région du Kansai, mais à partir de là j’ai combiné trains, bus et même ferries, en visant à parcourir à pied le plus possible de l’itinéraire. De nos jours, de nombreux pèlerins choisissent ce qu’on appelle souvent le « pèlerinage sans marche », en comptant principalement sur les voitures ou les bus pour couvrir la distance. Pour moi, cependant, le vrai sentiment d’être en voyage ne venait que lorsque je marchais de mes propres pas, pas à pas le long du chemin.
Le choix du « Kugiri-uchi » (pèlerinage par étapes)
Bien sûr, un pèlerinage entièrement à pied n’était pas réaliste pour moi à ce stade de ma vie — cela demandait simplement plus de temps que je ne pouvais en consacrer. À la place, j’ai choisi le « Kugiri-uchi », la manière d’accomplir le pèlerinage en plusieurs étapes. Comme je devais intégrer mes voyages entre le travail et la vie quotidienne, j’étais toujours sous la pression de devoir rentrer à l’heure prévue. Parfois, je m’inquiétais : « Vais-je vraiment réussir à rentrer à temps ? » Pourtant, en ajoutant pas à pas une étape après l’autre, j’ai découvert que je pouvais continuer le pèlerinage à mon propre rythme.
Les appréhensions et les incertitudes du premier jour
Au moment où j’ai enfilé la veste blanche (byakui), posé le chapeau de paille (sugegasa) sur ma tête et tenu le chapelet bouddhique (juzu) dans ma main, j’ai eu l’impression d’être déjà devenue une voyageuse — avant même de faire un seul pas. Pourtant, au fond de moi, j’étais remplie d’incertitudes. Allais-je vraiment pouvoir poursuivre ce pèlerinage ? En étais-je capable ? Le cœur partagé entre nervosité et attente, je n’avais même pas la place de penser à prendre des photos.
Le moment où j’ai décidé de créer un blog
Ce jour-là n’était pour moi qu’une simple excursion d’une journée. En rentrant chez moi, une pensée m’est soudain venue : « Je devrais consigner cette expérience dans un blog. » C’est alors que j’ai réalisé que je n’avais pris aucune photo. Étrangement, je n’ai ressenti aucun regret. Au contraire, j’ai eu l’impression d’avoir gravé en moi quelque chose d’encore plus important que les souvenirs matériels : l’expérience elle-même, profondément inscrite dans mon cœur.
Mon équipement de pèlerinage, un an plus tard
Ce que vous voyez ici est l’équipement qui m’a accompagnée pendant une année de pèlerinage. La veste blanche (byakui) était trop chaude pour l’été, alors à un moment j’en ai moi-même retiré les manches. À chaque étape du voyage, j’ai ajouté peu à peu de nouveaux objets, que je considérais comme de petites récompenses personnelles. Aujourd’hui, chaque pièce porte en elle le souvenir du moment où je l’ai reçue.

L’équipement qui a marché avec moi pendant un an. Même la veste modifiée, dont les manches ont été retirées, raconte désormais une partie de l’histoire de ce voyage.
Une pochette unique faite à partir des manches
Les manches que j’avais retirées n’ont pas été jetées mais cousues ensemble et transformées en une pochette. Conçue pour être portée à la taille, elle comporte des compartiments pour un chapelet bouddhique (juzu), des bougies, un briquet, des bâtons d’encens, des feuillets de prière (osame-fuda) et une petite bourse pour les offrandes — disposés dans l’ordre où ils sont nécessaires pendant la prière. Elle peut même contenir le carnet de pèlerinage (nōkyō-chō). Cet objet artisanal, véritable « trésor unique » introuvable dans le commerce, garde tous les essentiels à portée de main. Même aujourd’hui, il reste un compagnon fidèle qui me soutient dans mon voyage.

Une pochette de ceinture fabriquée à partir des manches de mon byakui. Chaque objet du pèlerin y trouve sa place dans l’ordre, en faisant une pièce véritablement unique.
Le début du voyage
Ainsi, mon pèlerinage en solitaire à Shikoku a commencé par ce tout premier pas. Dans le prochain épisode, je partagerai le moment où j’ai enfin posé le pied dans l’enceinte du temple n°1.

Voici le petit plus d’aujourd’hui !
🌸 Porte vers les contes japonais
L’homme qui offrit des chapeaux de paille aux Jizō — Kasa Jizō (笠地蔵)
Il était une fois, dans un village enneigé, un vieil homme et sa femme qui vivaient pauvrement mais avec un cœur plein de bonté.
À l’approche du Nouvel An, ils n’avaient rien pour célébrer. Alors le vieil homme partit en ville pour vendre les chapeaux de paille (*sugegasa*) qu’il avait fabriqués de ses mains.
Mais ce jour-là, aucun chapeau ne fut vendu.
Sur le chemin du retour, il rencontra six statues de Jizō figées dans la neige. Les voyant transis de froid, il posa un chapeau de paille sur la tête de chacune. Pour la dernière, à court de chapeaux, il retira sa propre coiffe et la lui offrit.
La nuit du réveillon, alors qu’ils étaient endormis sans rien à manger, ils entendirent soudain de lourds pas s’approcher.
Les statues de Jizō apparurent, portant sur leur dos des ballots de riz, des légumes et d’autres offrandes. Le couple comprit que leur générosité avait été récompensée.
Ainsi, ce conte rappelle que même les gestes les plus modestes de bienveillance ne sont jamais perdus.
Comme le chapeau de paille (*sugegasa*) porté par les pèlerins du Shikoku, symbole de prière et de protection, la compassion devient un pont entre les hommes et le divin.